Publié le 1 juin 2014 dans Finance et investissement
RICHARD CLOUTIER
Une quarantaine de gestionnaires d’actif québécois ont récemment uni leurs forces afin de convaincre les investisseurs institutionnels du Canada de leur confier des mandats. Leur nouveau regroupement, baptisé Conseil des gestionnaires en émergence (CGE), lançait officiellement ses activités le 24 avril, en marge d’un cocktail organisé à la Bourse de Montréal. Des représentants de la quarantaine de firmes membres, ainsi que bon nombre d’investisseurs venus du Québec, du Canada et des États- Unis, étaient sur place pour l’événement.
Le CGE, dont la fondation remonte au 31 janvier dernier, vise à contribuer au développement des entrepreneurs locaux qui émergent dans le secteur de la gestion de portefeuille, et dont l’actif sous gestion est inférieur à 1 G$.
«J’ai constaté qu’il y avait énormément de talent chez les gestionnaires et peu de capitaux commis. Je me suis demandé pourquoi, et la principale raison, c’est qu’en fait, il y a une absence de promotion de ce talent», résume Geneviève Blouin, présidente-fondatrice d’Altervest et présidente du conseil d’administration du CGE.
«L’objectif initial est d’amener les institutions et les fortunes familiales à investir au moins 1,5 G$ chez des gestionnaires en émergence locaux au cours des deux prochaines années», mentionne Geneviève Blouin, qui dirige une firme de placement alternatif montréalaise détenue par des femmes gérant un actif inférieur à 10 M$.
Selon la présidente du CGE, l’écosystème financier a besoin de l’apport des jeunes entrepreneurs. Sa croissance à long terme dépend du soutien qui sera offert à l’entrepreneuriat, notamment lorsque les investisseurs institutionnels investissent du capital.
Un levier qui ne coûte rien
Finance Montréal (FM), la grappe financière québécoise, a d’ailleurs lancé il y a quelques mois le Chantier entrepreneuriat. Sa mission est de faciliter l’essor des nouvelles entreprises du secteur financier et d’accroître l’accessibilité à du capital de démarrage.
Ce chantier est piloté par Vital Proulx, président et chef des placements chez Hexavest, une firme montréalaise spécialisée en gestion d’actions.
La mise en place d’un programme de gestionnaires émergents est une des pistes mises en avant pour inciter des régimes de retraite à confier du capital à ces firmes.
«Ces programmes sont nombreux aux États-Unis. Ce sont principalement des fonds publics qui y prennent part, mais on retrouve également des fonds privés, par exemple IBM», explique Vital Proulx.
«Comme les rendements des petits gestionnaires sont historiquement aussi bons que les rendements des grands gestionnaires, ça ne coûte rien aux régimes de retraite d’y participer. Généralement, les régimes confient 1 % de leur actif sous gestion à des gestionnaires en émergence», ajoute-t-il.
Le fonctionnement de ces programmes est simple. Un appel d’offres est d’abord lancé auprès de consultants et d’intermédiaires spécialisés dans les firmes de gestionnaires émergents.
La tâche de l’intermédiaire consiste à répartir l’actif à gérer entre différents gestionnaires émergents conformes en matière de réglementation et de conformité, et dont les rendements atteignent les objectifs.
Pour Vital Proulx, un tel système procure de nombreux avantages aux régimes de retraite participants. D’abord, le régime de retraite n’a pas à développer une expertise à l’interne ni à investir de ressources pour suivre ces gestionnaires.
De plus, le régime n’a pas la tâche odieuse de congédier un gestionnaire si les objectifs ne sont pas atteints, selon lui.
En outre, cette pratique permet de former une relève et de favoriser la migration de gestionnaires émergents parmi les gestionnaires principaux.
Vital Proulx, dont la société fondée en 2004 compte 43 employés et gérait au 31 mars dernier un actif de 18,4 G$ pour 183 clients, souhaite encourager l’entrepreneuriat. C’est d’ailleurs par l’intermédiaire d’un programme favorisant les gestionnaires émergents qu’Hexavest a percé aux États-Unis.
«Notre croissance initiale, nous l’avons connue au Québec par l’intermédiaire de régimes de retraite québécois qui nous ont confié de l’actif. Mais quand nous avons décidé d’aller à l’extérieur du pays, nous avons eu la chance de participer à trois de ces programmes de gestionnaires émergents. C’est de cette façon que nous avons eu nos trois premiers clients américains», raconte-t-il.
Une expertise à développer au Québec
Vital Proulx salue la mise sur pied du CGE, qu’il considère comme un jalon supplémentaire d’une stratégie qui vise à nourrir l’activité économique dans le secteur des services financiers québécois.
Il espère voir bientôt des firmes d’actuaires-conseils, d’anciens experts ou encore des universitaires, développer une expertise liée aux gestionnaires émergents.
Le développement d’une telle expertise au Québec faciliterait selon lui le déploiement de programmes comparables à ceux qu’on retrouve aux États-Unis.
«Il y a énormément de talent. C’est vrai qu’il faut faire un petit effort pour les découvrir, et peut être qu’il faut encore plus de courage pour y investir. Cependant, plusieurs études démontrent que le jeu en vaut la chandelle en ce qui a trait au rendement par rapport au risque», lance pour sa part Robert Brunelle, premier vice-président chez Hexavest et membre du conseil d’administration du CGE.
Chez Lakeroad, un gestionnaire d’investissement alternatif de Lac-Beauport, le réseautage tenu en marge du lancement du CGE dont il est membre a permis diverses rencontres que la firme espère fructueuses.
«Nous croyons qu’il est primordial que la communauté d’affaires connaisse et soutienne ses gestionnaires, témoigne Antonin Giroux, associé et directeur du développement de cette société de la région de la Capitale- Nationale, dont l’actif géré s’élève à 15 M$. Il me semble aussi essentiel que l’industrie se donne des outils et des leviers pour se renouveler et pour croître.»
Le CGE, qui vise un rayonnement pancanadien, procédera à l’ouverture de son antenne torontoise le 6 novembre prochain.
«On se bat entre Toronto et Montréal pour savoir qui a le plus grand nombre de CFA (analyste financier agréé) par habitant dans le monde. La main-d’oeuvre qualifiée et l’expertise sont donc au rendez-vous, constate Geneviève Blouin. Tout ce qui nous manque, c’est le petit coup de pouce qui nous permettra de nous élever et d’aller chercher des capitaux chez nous, puis à l’international comme Hexavest l’a fait. Nous pourrons ainsi construire plus de firmes à l’image d’Hexavest.»
Lire l’article ici: lien
Revenir à toutes les nouvelles